Peut-on engager la responsabilité civile et/ou pénale des maisons de retraite ou EHPAD en cas de décès de leurs pensionnaires, liés au Covid-19 ?

Les maisons de retraites et les EHPAD sont des lieux de contamination privilégiés pour le Covid-19. Les résidents de ces établissements sont majoritairement des personnes au système immunitaire fragile et sont par conséquent, très vulnérables.

Récemment, certain justiciables ont tenté d’engager la responsabilité des maisons de retraites et EHPAD sur le fondement d’infractions constitutives d’homicide involontaire, de non-assistance de personnes en danger ou de mise en danger d’autrui.

I – Le cadre préalable de la responsabilité du directeur d’établissement

La responsabilité civile est engagée afin de réparer pécuniairement un préjudice matériel, corporel ou moral, causé à un tiers. Il faut savoir que la responsabilité personnelle d’un directeur d’établissement sur le plan civil est plus difficilement retenue que la responsabilité pénale des personnes morales.

La difficulté émane du statut juridique des EHPAD, structures qui sont soumises au droit public ou au droit privé. Dans l’hypothèse où l’établissement est subordonné à une gestion étatique, il ne pourra pas paraître devant la justice pénale.  Or, les établissements privés de santé sont des personnes morales autonomes soumis à la responsabilité pénale des personnes morales.

II – Les infractions susceptibles d’engager la responsabilité pénale

A-La négligence

Conformément à l’article 121-3 du Code pénal, une faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévues par la loi ou par le règlement même de l’établissement, peuvent constituer un délit, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales et tenu compte de la nature de ses fonctions.                                                                                                                                Conformément aux dispositions rendues par la Cour de cassation dans son arrêt rendu en date du 23 Avril 1955 (n° 90-75.070), le délit d’homicide involontaire ne nécessite pas une faute lourde caractérisée.

Le directeur  d’établissement, entendu au sens de l’entreprise gestionnaire, de l’association ou du directeur en tant que personne physique est souvent mis en cause en cas de négligence, d’une imprudence ou d’une faute relative à la désorganisation manifeste d’un service. Le dirigeant d’un EHPAD ou d’une maison de retraite peut donc être tenu responsable si un défaut de précautions nécessaires pour éviter l’accident a été établi.

La question se pose des diligences normales en période de crise sanitaire, liées à la pandémie du Covid-19. L’obligation de moyen de ces établissements relève de l’article L311-3 du Code de l’action social, lequel impose d’assurer la prise en charge sécurisée des personnes. Les EHPAD doivent mettre en place des procédures conformes aux préconisations de l’Agence Régionale de Santé (ARS). La situation exceptionnelle nécessite un temps d’adaptation pour assurer toutes les obligations de sécurité à l’égard des résidents. Dès lors, il est probable que la Cour fasse preuve de souplesse quant à ses exigences.

Néanmoins, il  faudrait ainsi établir que l’établissement a contribué à la réalisation du résultat dommageable, à savoir, la mort d’un résident alors que toutes les mesures n’avaient pas été prises et ce de manière délibérée.

Le caractère encore récent des litiges portant sur l’engagement de la responsabilité pénale de ces établissements ne nous permet pas de connaître les interprétations jurisprudentielles. Néanmoins, la circulaire « de présentation des dispositions applicables pendant l’état d’urgence sanitaire et relative au traitement des infractions commises pendant l’épidémie de Covid-19 » publiée le 25 mars 2020 par la direction des affaires criminelles et des grâces (CRIM 2020 10/H3 24.03.2020) dispose que « l’exigence tenant à la caractérisation d’un risque immédiat de mort ou de blessures graves ne paraît pas remplie, au regard des données épidémiologiques connues ». En dépit d’une exigence de vigilance, dans le cadre de la pandémie actuelle, le champ d’application de l’infraction ne semblerait pas s’étendre aux professionnels de santé.

Or, la transparence exigée devrait permettre à la justice de déterminer individuellement si le décès est la conséquence d’une négligence imputable à l’établissement.

B- La mise en danger de la vie d’autrui

Le délit de mise en danger de la vie d’autrui est encadré par l’article 223-1 du Code pénal et repose sur la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence ayant exposé autrui, à un risque immédiat de mort.

Les directions des EHPAD doivent garantir des mesures de protection suffisantes et adaptées au degré de fragilité des personnes âgées. Néanmoins, les caractéristiques particulières des résidents est un critère important pour comprendre la spécificité de la responsabilité pénale des EHPAD. L’infraction de mise en danger d’autrui suppose donc la démonstration d’un comportement délibéré de l’auteur de l’infraction à enfreindre les obligations.

Dans le cadre du Covid-19, pour reconnaître objectivement une mise en danger de la vie d’autrui, il faudrait que le personnel soignant soit porteur du virus à sa connaissance par exemple. Encore une fois, la difficulté est liée au caractère singulier du Covid-19. Bien que le virus ait malheureusement causé des milliers de morts son taux de décès avoisine les 3 à 4% de décès. Même si les pensionnaires sont des personnes à risque, le taux pourrait ne pas être révélateur d’un risque immédiat d’exposition d’autrui à une mort certaine.

C- Le principe de non-assistance de personne en danger

Le principe de non-assistance de personne en danger est sanctionné par le droit pénal d’une peine de 5 ans et de 75 000€ d’amende (article 223-6 du Code pénal). Le délit a été défini comme une abstention volontaire de l’individu d’assister une personne en péril s’il pouvait intervenir, sans risque pour lui ou pour les tiers. Il est par ailleurs de jurisprudence constante de prendre en compte la gravité du péril. La Cour de cassation, par un arrêt rendu le 13 Janvier 1955, a exigé un péril imminent et constant

Là encore, la difficulté réside dans le caractère tristement singulier du Covid-19. La proximité avec des personnes malades n’est pas sans danger, même pour le personnel soignant. Ce dernier travaille généralement sur la base du volontariat car ils auraient pu faire valoir leur droit de retrait. Une telle infraction ne saurait être généralement reconnue à l’ensemble des établissements.

Pour toutes questions relatives à la mise en œuvre de la responsabilité civile ou pénale d’un EPHAD ou d’une maison de retraite en cette période de crise sanitaire liée au Coronavirus, vous pouvez contacter Me Maëva ACHACHE, Avocat au Barreau de Paris, qui saura vous conseiller et vous accompagner dans cette procédure.